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La chronique cinéma de Libussa

The hours ou " Les heures "

Réalisation Stephen Daldry, scénario David Hare, Angleterre/USA, 1 h 54, 2003

Faut-il voir ce film ? Oui absolument. Pour des raisons qui ne sont pas toutes bonnes. Précisons d'emblée que le point de départ rend nerveuse : prendre un livre de Virginia Woolf : le célèbre Mrs Dalloway et en faire la trame de trois histoires qui s'entrecroisent si mal que d'aucunes (parmi mes amies) n'ont pas tout à fait compris qu'elles étaient liées les unes aux autres.

Première histoire
Virginia Woolf elle-même apparaît à l'écran, à la fin de sa vie, peu de temps avant son suicide. On la voit dans sa vie quotidienne avec son compagnon Leonard, recevant la visite de sa sœur Vanessa, écrivant et subissant une énième crise littéraire et existentielle. (Selon l'idée que s'en fait le cinéaste.) Elle va d'ailleurs se jeter dans une rivière, les poches pleines de cailloux.

Deuxième histoire
Dans les années 50, une jeune femme (la vraie ménagère américaine aliénée que décrira Betty Friedan dans The feminine mystique), enceinte, mère d'un garçonnet beau et grave, lit Mrs Dalloway dans son joli pavillon de banlieue. Cette jeune femme confectionne un gâteau pour l'anniversaire du mari. Une voisine en détresse vient la voir et, dans un raptus, notre sage mère de famille l'embrasse sur la bouche. Puis devant la vacuité de son existence, révélée par ce baiser, elle va dans un hôtel tenter de se suicider, le livre de V.Woolf dans les mains. Elle n'a pas le courage d'en finir, rentre chez elle, fête son mari et s'en va pleurer dans la salle de bains.

Troisième histoire
Une éditrice vit avec une femme (je n'ose pas dire lesbienne, disons une homosexuelle). Cette directrice est new yorkaise et très occupée. Elle prépare une réception pour un ancien amant, lauréat d'un prix littéraire. Cet amant est devenu homosexuel. Ils sont toutefois très attachés l'un à l'autre. Lui est un poète sidéen nerveux, épuisé, dont l'existence repose beaucoup sur le dévouement de l'éditrice. Et elle tire de sa relation désormais amicale avec le poète la richesse intellectuelle et sociale de son existence. Hélas, trois fois hélas, le poète n'ira pas à la cérémonie qu'elle prépare. Il se suicidera. On pourrait croire que cette histoire-là est finie. Mais non, le soir de cette horrible défenestration, l'éditrice, dans sa jolie maison du " Village " (comme on dit à New York), avec son amante et sa propre fille adolescente, voit arriver une vieille dame qui se présente comme " le monstre " : on comprend (mais toutes les spectatrices n'ont pas fait le lien) qu'elle est à la fois la mère du poète mort et, AUSSI, celle du petit garçon de la deuxième histoire (vous me suivez) qui, après avoir mis au monde une fille, abandonna mari et enfants pour devenir bibliothécaire au Canada. Ne pouvant, dit-elle, supporter son existence de ménagère américaine. On peut deviner qu'elle a mené une vie d'homosexuelle de placard en ville et qu'elle vient chercher quelque réconfort auprès de ce trio marginal de New York. En effet, les quatre " femmes " forment une sorte d'alliance qui constituera la vraie fin du film.

Voilà pour les histoires. Sèchement racontées ici. Maintenant les arguments contre :
l) Le générique du début et de la fin est raté, complètement. On a envie de quitter la salle.
2) Ensuite le casting ou distribution est raté aussi : Nicole Kidman en jeune Virginia Woolf est invraisemblable. Elle a beau froncer le nez, prendre un air inspiré et recevoir un oscar, elle est la seule dans ce film qui n'est pas crédible à mes yeux. Trop jeune, trop éloignée de l'évanescence de Virginia. Et puis s'en va-t-on au suicide comme si on allait acheter en hâte des pommes de terre ? Bref, là je m'énerve un peu, mais il se peut que vous adoriez.

Voyons les arguments en faveur de ce film. Ils ne manquent pas :
- Il attire l'attention sur V. Woolf. Ce qui n'est pas rien.
- Il nous donne à voir les trois plus beaux baisers de " femmes " que l'on puisse voir au cinéma en ce moment : le baiser passionné de Virginia à sa sœur Vanessa (trop jeune elle aussi pour être crédible, mais " faut bien que le spectateur voie des belles actrices "), le baiser de Juliane Moore (admirable de bout en bout) à sa voisine en détresse, baiser épiphanique qui lui révèle sa propre homosexualité réprimée, et enfin le baiser de Meryl Streep à son amante après la mort du poète.
- Pour ces trois baisers, pour Juliane Moore, pour l'intelligence de Meryl Streep et la pertinence des dialogues dans cet épisode, on peut aller voir Les Heures. Je vais d'ailleurs le revoir. Je ne suis pas sûre que le livre dont est tiré le film soit un bon livre (" limite mélo ") mais il renvoie à Woolf, à l'Angleterre romanesque, à la vie américaine dans ses séquences pré et post féministes. Il constitue un témoignage sur les milieux dits privilégiés et, pour celles qui ignorent tout de l'écrivain anglaise, peut donner l'envie de découvrir l'œuvre de cette immense auteure.
Le film a le mérite de plonger la spectatrice dans un état de très grande réceptivité. Chose rare. Certaines pleurent, d'autres sortent très secouées.
Je ne vous dirai rien des images, très belles, très fabriquées. (Trop ?) Lisez une revue de cinéma. De celles qui ne parlent que de technique et jamais des subtiles, voire insupportables relations entre les êtres.

    Libussa

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Dernière mise à Jour : 18 mars, 2010