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Audrey

Nouveau monde
Texte dit dimanche 24 octobre 2010 à la Maison des femmes de Paris
durant l'atelier La Barbare, un espace de luttes et d'initiatives politiques et culturelles entre 1998 et 2007.
Cet atelier avait lieu dans le cadre du colloque Mouvement des lesbiennes, lesbiennes en mouvement organisé par la Coordination lesbienne en France, les 23-24 octobre 2010 à Paris.

Difficile d’exister dans cette société quand on se sent différente, difforme,
j’éprouvais la sensation diffuse que la vie n’était qu’une série d’adaptations successives,
Parce que j’refuse de m’conformer à l’image projetée par les autres et leurs normes
Ma révolte fut d’autant plus vive

et g fait tout le contraire de ce qu’on attendait de moi
J’me suis barrée d’chez mes parents trop barrés,
g dealé pour m’émanciper,
j’me suis retranchée dans l’amitié, avec mes frères de galère
croyant être des leurs, comme si y avait d’la solidarité entre dealeurs, leurre !

Après 2 ans d’prison, g commencé à chercher une autre voie
Parce qu’ ça rend barge d’être en marge,
Parce que j’refuse de subir le monde dans lequel je vis, g choisi d’étudier la sociologie,
analysé les inégalités et les rouages de la société
Puis l’étude des « rapports sociaux de sexe »
et surtout la non-mixité m’ont permis d’analyser ma vie privée, découvrir qui j’étais.

J’y ai construit en grande partie mon féminisme, mon lesbianisme et déconstruit mon sexisme intériorisé
Bien sûr, le taf est loin d’être terminé, il en reste encore, bien incrusté dans mon esprit et mon corps.

Parce que j’refuse de continuer à intégrer la misogynie, ça m’épuise donc je puise dans la non-mixité
dès qu’je peux pour la désintégrer !
Et puis c’est comme dans tous les milieux, parfois ça fait du bien d’être entre noues,
de pas avoir à tout expliquer !

Parce que j’refuse d’être la servante, la ménagère, la confidente, consolatrice qui verbalise les émotions,
fait toujours preuve d’attention,
Parce que j’refuse de me sacrifier pour leur eldorado hétéro :
fonder une famille, un foyer, nid douillet où les autres se sentent bien car choyés !
Parce que j’refuse d’être leur muse, de rire à leurs blagues miso, macho vous nous cassez le clito !
ça les amuse mais ça m’use
En non-mixité j’me sens libre et sujet
Masque à oxygène dans ce monde asphyxié...

Parce que j’refuse leur façon d’accaparer l’espace, la parole, le pouvoir dont ils abusent
Parce que j’refuse qu’ils nient mon intelligence, briment ma créativité,
mon imagination par la force ou la ruse
Ils se permettent de m’reprocher mon manque de féminité, mon agressivité à leur égard,
c’n’est qu’un rempart contre leur excès de virilité
Parce que j’refuse de jouer à la poupée, je performe mon genre, ma lesbianité...

Parce qu’ils nous accusent de racisme ou de sexisme à l’envers, c’que je récuse
Ils nous excluent de l’espace public constamment afin qu’on vive recluse
et quand on récupère un espace-temps pour nous ils crient au loup !
Comme une envie d’mettre un peu de plomb dans leurs cervelles confuses
Le racisme ou le sexisme vient d’ceux qui dominent
Ce seraient eux les victimes ? eux qu’on opprime ? dès qu’on s’exprime...

Parce que j’refuse de m’justifier,
fustigée par des mecs qui se sentent rejetés dès qu’ils n’ont plus toute légitimité,
dès qu’on leur met des limites, leur pouvoir tombe en miettes, n’est plus qu’un vieux mythe,
se fait bouffer par des mites / de non-mixité,
Utopie nécessaire pour se réapproprier nos corps, nos vies, nos esprits
Parce que j’refuse de subir leur morne réalité !

Cette nuit g même rêvé
Qu’un petit foyer d’insurgées devienne un brasier,
Que nos actions fassent boule de neige et / Que les réactionnaires soient dérangés,
Pris à leur propre piège, surpris par l’orage et
Dans ce monde à leur image, sache que ma rage n’est pas un mirage !
j’ferais tout pour qu’il change et /
Qu’on les pousse à dégager, qu’on enterre leurs idées trop figées,
Que les femmes ne soient plus en danger

Parce que j’refuse même leurs excuses, leurs insultes ou leurs coups fusent
donc j’continuerai à les molester si on m’test et à lutter pour le respect tant mérité,
quitte à c’que la peur change de côté,
à militer, en toute humilité, jeter des mots lestés !

Audrey, avril 2010


 bagdam@bagdam.org
Dernière mise à Jour : 20 septembre, 2013